A lire certains journaux et médias, à force de ne parler des affaires de pédophilie que quand elles sont dans l’Eglise et dues à des prêtres, notre esprit finit par associer prêtre à pédophile.
Cependant, comme nous savons aussi que les médias ne s’intéressent que rarement à l’ensemble d’un problème, et qu’ils préfèrent s’attarder à ce qu’il y a de plus scandaleux et vendeur, nous pouvons penser qu’ils exagèrent sans doute les choses.
Alors comment savoir ? Les prêtres sont-ils des pédophiles ou non ? Les médias exagèrent-ils l’affaire ou non ? Le seul moyen de le savoir est de s’appuyer sur des chiffres réels.
Sans cela, notre esprit, prisonnier du refrain médiatique, ne saurait trouver la vérité et, par là-même, la liberté. Il faut donc s’attarder sur les chiffres pour cautionner ou refuser le message médiatique.
Remarquons que cela reste vrai pour toute information passant à travers les médias.
L’étude la plus complète sur les cas d’abus sexuels dans l’Eglise américaine (et, à ce jour, il n’en existe pas de plus poussée dans l’Eglise universelle) est celle du John Jay College of Criminal Justice, de la City University of New York (référence : JJC).
Dans cette enquête, nous avons remarqué qu’il faut distinguer les allégations des condamnations. En effet, des allégations ont parfois entrainé des condamnations par la justice mais elles ont le plus souvent entrainé la relaxe (donc, pour la justice, ces prêtres restent des présumés innocents).
Ainsi, sur les 4392 allégations (JJC p.4-7), 1021 ont conduit à des enquêtes policières pour n’aboutir finalement qu’à 384 accusations criminelles. On passe donc de 4% de prêtres (4392/109694) ayant eu des allégations d’abus sexuels à 0,35% de prêtres (384/109694) effectivement condamnés pour ces actes. Certes, dans cette différence, il n’y a pas que des prêtres innocents (certains sont morts, prescription, etc.), mais il y en a quand même puisque, malheureusement, les faux témoignages et la diffamation existent. Pour la justice, il nous faut conclure que 99,65 % des prêtres restent innocents.
Cependant, si nous appliquons le taux de 37,6% de condamnations parmi les enquêtes faites (384/1021) sur l’ensemble des allégations (4392), nous obtenons 1651,4 condamnations probables (4392×37,6%). Sur l’ensemble de la population étudiée (109 694 prêtres), cela nous donne un taux probable de 1,5% de condamnations. Soit, probablement, 98,5% des prêtres sont innocents.
On voit donc que 98,5% à 99,65% des prêtres sont innocents pour la justice.
Qu’en est-il en France ?
Selon les chiffres de l’Eglise de France (que l’on peut vérifier, pour ce qui est des condamnations, auprès de la justice française), en 2010, sur les plus de 20 000 prêtres et religieux français, « une trentaine de prêtres et de religieux purgent la peine à laquelle ils ont été condamnés, conformément à la loi [on ne sait pas s’il s’agit uniquement de cas d’abus sexuels…]. C’est beaucoup trop, mais ce n’est pas un phénomène massif » (homélie de Mgr Vingt-Trois, messe chrismale 2010). Si l’on arrondit à quarante : 40 / 20000 = 0,002, c’est-à-dire 0,2 % des hommes consacrés.
C’est-à-dire qu’en 2010, 99,8 % d’entre eux sont – au moins pour la justice et cela n’est pas rien – innocents.
Notons que ce chiffre corrobore celui ci-dessus de l’Eglise américaine.
Rappelons aussi que la répétition est la base de l’association. Par conséquent, lorsque l’on répète couramment deux mots ensemble, notre cerveau finit par les associer : et quand on évoque l’un, l’autre arrive. Ainsi, par ce refrain médiatique, est maintenant associé « pédophile » à « prêtre ».
Si encore cela était vérifié par les chiffres, nous pourrions ne pas nous en offusquer.
Mais, quand on voit que la réalité ne correspond absolument pas à une telle association, nous ne pouvons que nous scandaliser. Cette association cognitive et mensongère provient d’une pure construction médiatique qui ne correspond aucunement à la réalité des chiffres : nous sommes en flagrant délit de manipulation.
Malheureusement, cela n’est pas nouveau :
« Il y a des cas d’abus sexuels qui sont révélés tous les jours contre un grand nombre de membres du clergé catholique. On ne peut malheureusement plus parler de cas individuels, mais d’une crise morale collective qui n’a peut-être jamais connu dans l’histoire culturelle de l’humanité une dimension si effrayante et si déconcertante. De nombreux prêtres et religieuses se sont reconnus coupables. Il ne fait aucun doute que les milliers de cas portés à l’attention de la Justice ne représentent qu’une petite fraction du total authentique, puisque de nombreux délinquants ont été couverts et cachés par la hiérarchie ».
Est-ce un texte paru dans l’un de nos journaux de 2016 ? Non. Mais c’est un discours prononcé le 28 mai 1937 par Joseph Goebbels (1897-1945) ministre de la Propagande du IIIe Reich. 276 religieuses et 49 prêtres séculiers sont arrêtés en 1937. Les arrestations se succèdent dans tous les diocèses allemands, de manière à toujours garder les scandales sur la première page des journaux.
En effet, les Nazis n’avaient guère apprécié que, le 10 Mars 1937, le Pape Pie XI (1857-1939) par l’encyclique Mit brennender Sorge condamne leur idéologie. Ils ont encore moins apprécié que cette encyclique soit exceptionnellement rédigée en allemand (plutôt qu’en latin, habituellement) et distribuée secrètement dans toutes les paroisses d’Allemagne pour y être lue publiquement le 21 mars 1937, Dimanche des Rameaux.
Sachant cela, comment nos journalistes se permettent-ils d’employer ce genre de méthodes de propagande en créant, par la répétition, de tels mensonges dans nos esprits ?
Il est vraiment surprenant et alarmant que, de nos jours, nous puissions faire de tels rapprochements.
Il en va réellement aujourd’hui de notre liberté de penser que de refuser ces refrains médiatiques mensongers. Car cela ne se limite pas à ce dossier : trop souvent nous pouvons remarquer ce genre de manipulation médiatique à propos d’autres sujets.
Dénonçons ces méthodes en écrivant par exemple aux journalistes, rédacteurs en chef, etc. Protestons contre ces médias qui relaient les affaires de pédophilies uniquement quand elles sont dans l’Eglise : qu’ils fassent aussi ce travail ailleurs. Car ailleurs aussi, il y a des victimes. Ailleurs aussi, il y a des bourreaux. Ailleurs aussi, il y a de terribles souffrances.
Ainsi : « alors que la presse californienne s’acharnait en 2002 à déterrer des affaires de pédophilie d’il y a trente ans mais impliquant des prêtres, pour y consacrer près de 2000 textes, dans le même temps, à peine quatre publications étaient consacrées à des abus sexuels dans les écoles, pourtant beaucoup plus d’actualité » (http://www.causeur.fr/spotlight-pedophilie-eglise-36494.html).
Si les médias ne font ce « ménage » que dans l’Eglise et qu’ils gardent pertinemment sous silence les autres cas, il faut conclure qu’ils se moquent des victimes et que le problème de la pédophilie en général ne les intéresse pas. Qu’ils fassent donc ce ménage ailleurs et nous verrons qu’ils recherchent la justice et la vérité. Qu’ils ne le fassent pas (et le temps laisse à penser cela depuis les campagnes précédentes de 2010 où l’on n’a diffusé que les cas de pédophilie liés à l’Eglise) et nous aurons la démonstration de leurs mépris envers les victimes et que l’injustice est leur étendard.
Malgré cela, travaillons ensemble et écrivons aux journalistes concernés que nous refusons leurs messages et que nous voulons une information juste qui reflète la vérité ; car, sans vérité, il n’y a pas de liberté et sans liberté, il n’y a ni joie, ni vie, ni bonheur.
Relevons ce défi et, même si cela semble bien peu, par notre petite action, nous aurons essayé d’apporter un peu plus de justice et de vérité à ce monde qui en a tant besoin.